giovedì 3 giugno 2004

un articolo su MARCO BELLOCCHIO
su l'Humanité, quotidiano comunista di Parigi

l'Humanité 2.6.04
Le bel oeil de Bellocchio
À Pantin, rencontres autour du grand réalisateur italien, dont on verra l’oeuvre documentaire.


Parmi les cinéastes italiens de sa génération, Marco Bellocchio est certainement un des plus importants. Né en 1939 à Piacenza, il décide tôt de devenir comédien, mais intègre finalement le fameux Centro sperimentale, le Centre expérimental d’études cinématographiques de Rome. Dans ce lieu où fut conçu le néoréalisme et alors que déboulent sur les écrans les prémices de l’ouvre des Taviani et de Pasolini, à l’orée des années soixante, Bellocchio tourne ses premiers courts métrages. Dès son premier long, il devient célèbre : les Poings dans les poches, deux ans avant la Chinoise, de Godard, secoue déjà le cocotier de la révolte. Ce refus du conformisme petit-bourgeois, qui se décline dans le champ du familial et du sexuel tout autant que dans celui du politique, est encore aux commandes dans la Chine est proche, le sketch de la Contestation ou Viva il Primo Maggio rosso, titres évocateurs. Bellocchio fait feu de tout bois, plutôt tendance gauchiste, dans des charges au vitriol, l’Église dans Au nom du père, la presse dans Viol en première page, l’armée dans la Marche triomphale. Moins provocateur dans la forme et l’outrance immédiate des sujets que Ferreri, il le rejoint dans sa critique sans concession de tous les appareils de la société dominante. Plus tard, quand la psychanalyse deviendra essentielle dans son travail, on pourra se dire que tout cela avait à voir avec le meurtre du père.

Justement, c’est Au nom du père qu’ont choisi les programmateurs de ce week-end au Ciné 104, à Pantin, comme étant la fiction symbolique devant être présentée. On en verra une autre, le Prince de Homburg, découverte à Cannes mais encore inédite, adaptation personnelle de la pièce de Kleist, dans lequel le prince du titre, en 1810, est lui aussi voué à disparaître. Ce jeune général a pourtant gagné la bataille, mais le voici condamné pour insubordination. Il saura faire face à son destin. Mais, pour l’essentiel, c’est pour la face inconnue de l’ouvre de Bellocchio, les documentaires, qu’on se rendra, si on le peut, à Pantin. Contrairement à nombre de ses pairs, le court métrage et le documentaire n’ont jamais été pour Marco Bellocchio un moyen d’accès à la voie royale du long métrage de fiction. Toujours, il a parcouru l’aller-retour entre les genres et les formes. Il était donc tout naturel que les Rencontres du cinéma documentaire exhument cette partie de l’ouvre, chose faite avec ce programme joliment intitulé " De l’utopie au présent ".

Sept essais composent l’ensemble proposé, quatre n’ayant pu être présentés par manque de copie. Sur ces derniers, on lira avec profit les quatre pages éditées par le Ciné 104 et Périphérie, centre de création cinématographique. Un mot sur ceux montrés, pris chronologiquement. Discutiamo Discutiamo, 1968, vingt minutes, représente la contribution de Bellocchio au film collectif la Contestation, les autres étant signées Godard, Bertolucci, Lizzani, Pasolini, excusez du peu. Ici, c’est la fac qui en prend plein la gueule alors qu’un prof communiste (joué par Bellocchio) est chahuté. Fous à délier, 1975, est un long métrage ayant fait couler beaucoup d’encre à sa sortie pour la façon dont il encensait les thérapies alternatives, dans lequel est passé au crible un programme de réinsertion sociale de malades mentaux de la région de Palerme. Vacanze in Val Trebbia, 1980, cinquante minutes, est un autoportrait de l’auteur et de sa génération, dans lequel est abordée directement la question du père, si essentielle à l’auteur on l’a dit, que l’on retrouvera aussi dans Elena, 1997, dix minutes, où la fille du cinéaste, alors âgée de deux ans et demi, découvre son passé dans un film de famille. Impressions d’un Italien sur la corrida en France, 1984, soixante minutes, est considéré par l’auteur comme une sorte de carnet de notes pour un film à venir. Sogni Infranti : ragionamenti e deliri, 1995, cinquante-deux minutes, fait retour par le moyen d’entretiens et de documents sur les années de plomb, et permet, avec le recul, de mieux voir ce qu’ont été les rapports de l’auteur avec les Brigades rouges. Addio del passato, 2003, sept minutes, part du prétexte du centième anniversaire de la mort de Verdi, né à Piacenza comme Bellocchio, pour, encore une fois, renvoyer le passé au présent et le présent au passé. Tous ces films ne sont éloignés, pour certains en tout cas, qu’au niveau des apparences. Dans chacun on retrouvera des préoccupations communes, à condition de savoir les y rencontrer, tant Marco Bellocchio fait partie, pour le meilleur, de ces artistes obsessionnels qui ont un motif et s’y tiennent.

Marco Bellochio, " De l’utopie au présent ". Au Ciné 104, à Pantin, métro Église-de-Pantin. Vendredi 4 juin, à 20 h 45, Addio del passato, en présence de Marco Bellochio ; samedi 5 juin, à 14 heures, Discutiamo Discutiamo et Vacanze in Val Trebbia, à 15 h 45, Fous à délier, à 18 heures, rencontre avec Marco Bellochio, à 20 h 30, Au nom du père ; dimanche 6 juin, à 14 h 30, Il Principe di Homburg di Henrich von Kleist, à 16 heures, Elena et Impression d’un Italien sur la corrida en France, à 17 h 45, Sogni Infranti : ragionamenti e deliri. Films présentés et débats animés par les critiques de la revue Vertigo.

3,50 euros la séance. 10 euros le week-end. Renseignements au 01 41 50 01 93 et sur www.peripherie.asso.fr.