mercoledì 4 febbraio 2004

"Buongiorno, notte" esce in Francia:
l'intervista a Marco Bellocchio su "Le Figaro"

Le Figaré 4.2.03
CINÉMA Son film «Buongiorno notte» revient sur la tragédie d'Aldo Moro
Bellocchio : «S'opposer, oui. Tuer, non!»


Le 16 mars 1978, à Rome, Aldo Moro, président de la Démocratie chrétienne, est enlevé par les Brigades rouges. Le 9 mai, il est assassiné. Entre ces deux dates qui ont tragiquement marqué l'histoire italienne de la fin du XXe siècle (un journal appela ce temps du triomphe terroriste «la nuit de la République»), un mois et demi s'écoule, durant lequel Aldo Moro est séquestré dans un appartement romain, gardé par un groupe de jeunes brigadistes. Parmi eux, une femme, Anna Laura Braghetti, plus tard auteur d'un livre, Le Prisonnier, 55 jours avec Aldo Moro (Editions Denoël). Buongiorno notte de Marco Bellocchio se situe dans cet intervalle entre les deux dates fatidiques, dans cet espace clos où cohabitent étroitement les terroristes et leur victime. De ce sujet, au départ commande de la RAI, le grand cinéaste a fait une œuvre extrêmement personnelle, une admirable méditation sur la violence révolutionnaire à travers le face-à-face intime de ces jeunes pris dans une utopie abstraite et du vieil homme (Roberto Herlitzka, magnifique), qui n'a à leur opposer que cet absolu du visage humain, au sens où l'entendrait Lévinas.

Propos recueillis par Marie-Noëlle Tranchant

LE FIGARO. – Quelle était votre position à l'époque de cette tragédie?
Marco BELLOCCHIO. – Ma position était de gauche, mais j'étais et je reste étranger à la politique officielle. J'avais un moment milité dans une formation maoïste sans dérive illégale, opposée au terrorisme qui était considéré comme une «maladie infantile du communisme». Mais toutes ces paroles, ces slogans, ces mots d'ordre... On mettait au premier plan l'idéal révolutionnaire et on négligeait la vie intime et personnelle. Je me suis éloigné assez vite, parce que j'éprouvais le besoin de retrouver une identité artistique que la cause révolutionnaire humiliait. On considérait cela comme secondaire, inutile. En 1978, j'en étais revenu à raconter des histoires.

C'est ce que vous faites dans "Buongiorno notte", qui est une histoire très intime sur le terrorisme, avec une dimension souvent onirique.
Tout est inventé, mais l'imagination est réelle. Le cinéma n'est pas fait pour être une chronique des événements. Dans mon film, les faits sont limités à ce qu'en transmet la télévision, qui est une télévision d'Etat, donc qui apporte déjà une interprétation des faits. Tout était interprétation dans cette affaire qui s'inscrivait dans le contexte d'une alliance entre la Démocratie chrétienne et le communisme. Les uns disaient que les Brigades rouges voulaient créer le plus de désordre possible pour accélérer la dissolution du système, d'autres que les terroristes faisaient le jeu de la droite, voire étaient manipulés par la CIA opposée à l'entrée de communistes dans le gouvernement Andreotti. Ce qui était stupéfiant pour tous, c'était de voir un petit groupe bloquer tout l'appareil de l'Etat, de voir le pape à genoux supplier les Brigades rouges (même les terroristes ont été impressionnés). Et puis l'assassinat d'Aldo Moro a transformé la stupeur en accablement encore plus profond: on ne pensait pas que cela pourrait arriver, et c'est arrivé. Tous les autres enlèvements s'étaient résolus par une négociation. Là, c'était une folie pure, qui ne débouchait sur rien.

"Buongiorno, notte" explore cette folie à travers les attitudes des terroristes. Les garçons restent implacables, mais Chiara est troublée par la personnalité d'Aldo Moro et rêve même de changer le scénario...
Aldo Moro avait un scénario dans sa serviette, au moment de son enlèvement. Je n'en sais pas plus, mais ce détail m'a frappé et il offrait une piste à la rêverie. J'ai imaginé que ce scénario racontait l'action terroriste en train de se mener, sur laquelle travaillent la réflexion et la sensibilité de Chiara.

Comment avez-vous choisi Roberto Herlitzka pour interpréter Aldo Moro?
Au départ, je pensais montrer le moins possible Aldo Moro. Dans le cinéma italien, la tradition veut que les personnages connus de l'histoire doivent être ressemblants physiquement, et ce n'est pas le cas. Mais le fils d'Aldo Moro a reconnu une identité intérieure. Au tournage, Roberto m'a convaincu que son image devait venir de plus en plus au premier plan. Parce que le visage donne une vérité et une émotion. Il oppose la réalité humaine à l'abstraction pathologique des révolutionnaires. S'autoriser à tuer froidement cet homme au nom d'une idéologie, c'est le point le plus inhumain et le plus dément qu'on puisse atteindre. On peut avoir des adversaires, s'opposer, lutter. Mais tuer, non!